OdE - 5.7 - La rage de vivre

[Iris]

La dame les regardait, presque en riant, partagée entre l'étonnement et l'amusement...

" Ah mais, ça fait beaucoup de questions !! Et dire qu'on ne se connait même pas !"

" Mon nom est Macha ! Je suis morte il y a 5 ans, en couches... Ainsi vous êtes Garn ? Bienvenue parmi nous. Et votre ami qui tient à marcher ? ... Ce n'est pas très prudent, vos blessures doivent être rapidement soignées ou vous mourrez vraiment."

Ce qui n'avait pas l'air de trop l'affecter, parce qu'elle était elle-même morte sans doute ? ... elle était informative avec bienveillance...

" Quelles nouvelles de l'extérieur ? ... Nous sommes en Gwidre, mais nous voyons que la route de notre caravane est très irrégulière... Que se passe-t-il ? "

Je suis encore novice en ce qui concerne les voyages à travers les limbes, et puisque vous semblez tout à fait au courant de ce qui se passe ici, permettez moi de vous demander quelques informations complémentaires.
Qu'est ce que la gueule dans le ciel ?

" Il s'agit d'un des grands gardiens de ce monde... Il dévore les âmes, et après elles sont définitivement détruites. Nous, les tarishs, faisons tout pour l'éviter... Il apparaît quand il sent qu'il y a beaucoup de morts en un lieu, comme après un massacre, dans ce château... ou un champ de bataille... Il est là souvent... Je suppose que Gwidre connait de graves difficultés."

Où suis-je arrivé exactement ?

" Où exactement ? ... c'est difficile à dire, ces lieux changent sans arrêt ! ... Nous sommes dans ce les adeptes du Temples appellent les Limbes... le monde des morts... Une réalité où les êtres finissent de disparaître, à l'exception des tarishs et de certaines abominations qui se nourrissent d'âmes elles aussi..."

Qu'est ce que la source dont vous parliez précédemment ?

C'est quoi cette source?

" Je ne sais pas si vous avez vu de véritables défunts... ils sont normalement intangibles et transparents... Regardez-moi, je suis tangible. Il s'agit d'une source d'énergie, une sorte d'argile cendreuse qui peut nous donner corps et devrait pouvoir réparer le vôtre." (à Homme Et Demi)

" Quant à leur nature exacte... disons que ça ressemble à un concentré d'énergie... Tout l'air autour de nous est fait de souhaits. Parfois ils se condensent, se cristallisent... "

Y-a-t-il des choses à faire ou ne pas faire pour notre sécurité à tous ici ?"

" Oh ... beaucoup et peu à la fois... Nous restons toujours groupés... Nous suivons notre caravane et veillons sur elle... Il faut faire attention aux morts qui tiennent à prendre des corps, se défendre contre eux... et se tenir toujours prêts, à l'écoute... Au fond... tout dépend de ce que vous voulez... j'imagine que vous voulez repartir, mais que vous ne le ferez pas de la même manière que nous : en renaissant."

Vous avez déjà vu des gens comme moi? Vous savez ce que je suis? Enfin surtout dans quel état je suis?

" Je pense... que vous êtes comme ce qu'on rapporte dans certaines légendes... ce n'est pas fréquent... Quelqu'un qui est mort avec une telle rage de vivre qu'il a réussi à forcer la mort à le laisser ramener un peu de vie... vous avez dû mourir en un lieu ou un temps particulier... Quelque chose vous a donné la possibilité de ramener votre corps... mais il est mort, et votre âme va finir par s'en détacher si nous ne le réparons pas. Ensuite, vous serez comme Garn, un vivant perdu ici."

J'saurai pas dire depuis combien de temps je tiens comme ça.... j'ai un peu perdu la notion du temps."

" Nous ne sommes plus loin... Quant au temps... je ne sais depuis quand je suis morte que grâce à un récent défunt qui se souvenait de moi... C'est normal. Ici le temps et l'espace n'obéissent pas aux mêmes règles que parmi les vivants."


...

[Avrock]

Garn donne rapidement des nouvelles :
"- Ici... Il y a la ville de Deh'Ag et une épuration de toute une partie de la population. Bientôt, si ce n'est pas déjà le cas, un siège... Gwidre est en guerre, une guerre fratricide entre le Temple et ceux qui s'appellent les Réformés. J'ai l'impression que ce monde est devenu fou, Macha. Ce sont les tristes nouvelles du monde des vivants."

Le jeune homme répond alors aux autres questions et remarques de Macha :
"- Je souhaite effectivement repartir dans le monde des vivants. Je suis dans les limbes car je cherchais un autre chemin pour atteindre mon but. Me voilà maintenant perdu si l'on peut dire.
J'ai été surpris par l'aube et la zone des limbes prés du monde des vivants dans laquelle je voyageais est devenue comme une mer agitée. J'ai suivit un ressenti et me voilà arrivé ici... Drôles d'histoire vas-tu me dire.

Quand tu parles de renaissance, que veux-tu dire par là ? Il s'agit d'une réincarnation dans un nouvel être ?"

[Iris]

Macha n'était pas trop malheureuse ou affectée par les malheurs de Gwidre, précisant :

" Ce qui m'importe, c'est surtout que notre caravane évite ces drames... nous l'avertissons tant que nous pouvons des flots que nous percevons... et elle-même évite les dangers qu'elle perçoit dans le monde matériel... "

Garn devrait commencer à comprendre quelque chose... Homme Et Demi patauge sans doute encore pas mal...

" La renaissance ?.. les tarishs renaissent tarishs. Les morts protègent les vivants, les vivants accueillent les morts."


...

[Thalgrim]

Effectivement, l'Homme et Demi ne comprenait pas tout.... mais il avait toutefois saisi que la source dont parlait la femme était un truc qui lui permettrait de redevenir pleinement vivant, à défaut de quitter cet endroit. Et c'était déjà un bon début. Il avait aussi vaguement compris que les Limbes donc, se superposait au monde normal, puisque la nommée Macha était consciente d'être en Gwidre.
"Et pourquoi les tarishs se réincarnent et pas les autres? Enfin j'veux dire, en quoi êtes vous différents des autres peuples?"

[Iris]

Macha répondit simplement à Homme Et Demi :

" Notre peuple est le seul à accomplir les rites qui peuvent rappeler nos âmes durant la grossesse ... et il est le seul à vivre en nomade, moyen pour nous dans les "Limbes" d'éviter les attaques tout en maintenant notre lien à nos vivants. "

" C'est aussi simple que ça."

...

[Avrock]

La discussion avançait, tout comme le petit convoi sur la route et les idées dans la tête de Garn.
Le jeune homme repense à sa vision dans la grotte : cette chose immense aspirant les vies ou peut être les âmes et les recrachant ensuite pour un nouveau cycle. Cette gueule pourrait-elle être la partie visible de cette chose dans les limbes ?
Il demande alors à Macha des informations complémentaires :
"- Si l'âme d'un mort est rappelée durant la grossesse, que se passe-t-il pour l'âme qui aurait dû être dans l'enfant ? Et d'où vient l'âme se trouvant dans l'enfant avant le rituel ? "

[Iris]

Macha n'était pas non plus une spécialiste en métaphysique : " J'ai l'impression que vous désapprouvez notre mode de vie. Nous ne volons la vie de personne, nous gardons les nôtres, c'est tout. "

" Quant à l'origine des âmes... je ne sais pas exactement, elles ne sont pas d'ici, elles ne font qu'y passer."

...

[Avrock]

Garn se met légérement sur la défensive vis-à-vis de Macha :
"- Je ne désapprouve pas... Je pose des questions, je laisse ma curiosité s'exprimer. Je ne connais pas votre culture, votre mode de vie. Je suis désolé si mes questions vous ont choqué. Veuillez m'en excusez. "

Le jeune homme se demande quand arriveront-ils à la 'source', tout aussi en se demandant comment continuer la discussion.

[Iris]

Macha opina, acceptant les excuses avant de les informer que la source était toute proche... C'était tant mieux, car Homme Et Demi devait se concentrer pour que son corps ne se "décolle" pas trop de son âme...

Il y avait ici une sorte de clairière, entourée d'un feuillage épais et noir, au milieu, une marre de boue cendreuse bouillonnante mais ne dégageant aucune chaleur excessive pour autant. Au centre, une légère butte rocheuse qui évoquait une fontaine ou un geyser au jet plutôt mou... Ici l'air semblait plus dense, comme des courants teintés de couleurs changeantes.

" La source exauce les vœux, elle donne aux désirs. Si tu veux vraiment vivre, son argile te permettra de réparer ton corps... mais prend garde à ce que tu souhaites, à ce qui te rattache à la vie, de peur que ce désir prenne le pas sur ta volonté."


Des questions ?

[Thalgrim]

L'Homme et Demi s'approcha de la mare d'argile en réfléchissant. Qu'est ce qui le poussait à vouloir vivre. La première réponse qui lui vint à l'esprit fut la survie. Il voulait vivre parce que c'était sa nature, parce qu'il n'abandonnait presque jamais et qu'il continuait à lutter jusqu'au bout. Cependant, à la réflexion, cette réponse ne semblait pas coller tant que ça. Après tout, il s'était battu corps et âmes contre les soldats, puis contre les féond dans la brume avant de succomber. Il n'avait pas démérité, et il avait été en accord avec ses principes. En toute logique, il aurait pu mourir en paix à ce moment là. Et pourtant il s'était réveillé ici, ni tout a fait vivant, mais pas tout a fait mort non plus. Il devait donc y avoir autre chose. La soif de combat peut-être? C'est vrai que le colosse était prompt à se jeter dans la mêlé et qu'il y mettait du coeur à l'ouvrage quand il s'agissait de fendre des crânes ou de distribuer des beignes. Mais si c'était là sa raison de vivre, comment était-il parvenu à vivre tant d'année dans un coin reculé, à protéger un village perdu des menaces occasionnelles? Revenons en un peu ce village, c'était finalement sa destruction qui avait jeté le barbare sur les routes. Du coup, sa rage de vivre venait peut-être tout simplement de la vengeance? Au fond de lui, il se sentait fautif de n'avoir rien pu faire pour empêcher le funeste destin qui s'était abattu sur le village, et tuer le responsable de tout ça, Aeric, serait une manière de faire taire sa culpabilité, et de rendre une sorte d'hommage aux villageois que le Sigire avait assassiné. Oui mais.... il y avait bien plus que ça qui reliait le colosse à son ennemi. L'Homme et Demi avait vécu comme une humiliation personnelle le fait que le guerrier triomphe aussi facilement de lui, et l'abattre serait une manière de prouver à tous, à lui même comme au reste du monde, qu'il était devenu plus fort que lui.
C'est alors que la véritable réponse émergea des profondeurs du cerveau de l'Homme et Demi. La gloire. Voilà ce qui le poussait à vivre. Il désirait ardemment prouver au monde ce qu'il valait, et obtenir une forme de reconnaissance de la part des gens. C'était déjà probablement ce qui l'avait poussé il y a des années de ça à devenir le protecteur du village perdu. S'il avait réussi à vivre tant d'année à cet endroit, c'était justement parce qu'aux yeux des paysans isolés du reste du monde, il était quelqu'un, une sorte de héros local (même s'il avait ensuite apprit à ses dépends qu'être un héros local ne signifiait pas grand chose face à l'immensité du monde). Et c'était aussi ce besoin de reconnaissance qui l'avait poussé à se joindre au défenseur de la ville assiégé, et à se proposer pour les missions les plus risquées. En réalité, le combat, même s'il était fermement ancré dans la nature du colosse, n'était pour lui qu'un moyen d'expression, un outil pour atteindre la gloire.

L'Homme et Demi sourit en trempant ses mains dans l'argile et en commençant à recouvrir ses blessures de la boue cendreuse, comme une sorte de cataplasme.